Et bien aujourd’hui on va se diriger vers une Black IPA de chez Noiseless, une brasserie que nous avons eu la chance de découvrir lors du Marseille Beer Festival de Juin 2021, et qui nous vient de Antibes!
Et oui on noircit le liquide mais on revient encore une fois sur une IPA, promis on a des Stout en stock à vous proposer aussi! Mais justement, cette belle canette de 50cl nous propose un joli design avec des Stormtroopers et au milieu, un personnage qui fait étrangement ressembler à un certain Guy Fawkes…
L’épisode 7
L’after !
Avec ceci on va parler de quoi ?
Au menu aujourd’hui, en voyant pas mal de stormtroopers sur cette canette, on aurait pu évoquer…
- La Trilogie STAR WARS : parce qu’on est tous d’accord qu’il n’y a qu’elle qui existe ?
- Le Prélogie STAR WARS : parce qu’on est tous d’accord que Jar-Jar Binks est un monstrueux Sith, y’a qu’à voir la qualité de la prélogie…
- La Postlogie STAR WARS : parce qu’on peut forcément causer très longtemps sur un soap opera où le fils de la sœur et la petite fille de papy jouent à la chasse au trésor sans retrouver Philippe de Dieuleveut.
- La série THE MANDALORIAN : Car on veut tous aller au bal masqué ohé ohé (hommage à Pedro Pascual masqué en permanence bien qu’il soit le héros, même s’il le mérite depuis qu’il est apparu dans WONDER WOMAN 1984)
- Les comics STAR WARS par Dark Horse : car ils composaient un univers étendu cohérent et ont fait patienter les fans pendant de nombreuses années… (Knight of The Old Republic, Jedi, etc)
- Les comics STAR WARS de Marvel : qui peuvent être très bien mais je n’en sais rien car je ne les ai pas lu (les modernes j’entend, période Disney, pas ceux qui sortaient dans Titans en VF chez Lug-Semic).
- Ou enfin les multiples séries animées STAR WARS à coup de CLONE WARS, de BAD BATCH et cie car je n’ai eu Disney+ qu’en 2020 et qu’avec Scrubs, j’ai autre chose à faire de mes 20-25 mn de creux dans mes journées
Mais au final ce qui sera au menu, c’est : V FOR VENDETTA!
Mais qui sont Noiseless Brewing?
Et oui! V FOR VENDETTA! Si vous vous demandez pourquoi, c’est parce qu’on a la possibilité de se trouver un tas de bières qui font référence à Star Wars d’une part, et d’autre part, si on doit faire une spéciale Star Wars, on a une petite idée de qui pourrait être notre invité!
Pour revenir à Noiseless, nous sommes dans les Alpes Maritimes, à Antibes, dans une petite rue où nous retrouvons donc trois passionnés Beer Geeks, Eric, Luc et Raphaël qui se sont lancés dans l’aventure après plusieurs années de homebrewing, dont une victoire en 2019 lors d’un concours local.
Le crédo de la brasserie c’est de ne jamais brasser la même recette, tous les samedis un nouveau brassin est lancé sur leur matériel SS Brewtech (une très bonne marque de matos) et chaque brassin leur permet de sortir 250 canettes, on est sur de la petite quantité les amis ici!
On retrouve surtout des bières de style IPA sous toutes les déclinaisons, mais des acidulées sont en projet. Comme je le disais par ailleurs, la brasserie ne produit que des canettes et justement, la canette, on va en parler juste après le plat du jour dans l’épisode!
L’article The Beer Lantern sur le sujet à retrouver ici!
Parlons de V pour Vendetta!
V For Vendetta a démarré sa publication au Royaume-Uni en mars 1982, en noir et blanc, dans la revue BD britannique Warrior jusqu’à la fin de la revue en 1985, laissant la série inachevée. Ce n’est qu’après le gros succès de Watchmen du même scénariste en 1987 que DC Comics réédite et termine la série entre 1988 et 1989. Et c’est d’ailleurs à cette époque que l’on a eu le titre en VF chez Zenda (avant des rééditions chez Delcourt, Panini ou enfin Urban Comics désormais). A ses manettes David Lloyd au dessin, un anglais que l’on a peu vu depuis la fin de la série à part sur quelques parutions Vertigo comme Hellblazer ou War Story, et surtout au scénario on retrouve Alan Moore.
Mais qui est donc Alan Moore ?!
Alan Moore est né en 1963 au Royaume-Uni où il vit encore. C’est à Northampton, dans une banlieue très défavorisée qu’il grandit, avec la chance d’avoir des parents voulant lui prodiguer une bonne éducation dans un quartier peuplé d’analphabètes à l’époque. On dit de lui qu’il s’est inscrit à la bibliothèque dès 5 ans pour y dévorer de l’ordre de 2 à 3 livres tous les 2 jours, avec une préférence pour la fantasy et les contes de fées et que dès 6 ans il faisait sa rencontre avec les premiers comics de super-héros américains avec leurs super-héros bariolés ! Sa vie collégienne le fera passer de premier de la classe en bon dernier, ce qu’il attribuera principalement à son origine sociale modeste en comparaison du reste des élèves. Enfin, le lycée sera le temps de sa rencontre avec le cannabis et le LSD lui donnant une vision toute “particulière” de la notion de réalité… et lui vaudront de se faire virer du lycée !
Je passerai sur ses essais de publications en fanzinat à l’adolescence et aux petits boulots qu’il a dû enchaîner pour arriver aux débuts de sa carrière dans la BD : d’abord auteur de comic-strip parodiant l’actualité dans le journal local d’Oxford (Le Panda de St Pancras) puis avec d’autres productions pour des magazines de musique en 1978/79, Alan Moore galère grave, et la situation financière du foyer avec sa femme et sa fille à peine née est plus que précaire !
Vive les années 80 !
Début des années 80, il commence à trouver une certaine régularité dans la publication de ses oeuvres notamment dans le culte 2000 AD, magazine pour lequel il écrira en tant que scénariste un peu de Judge Dredd et surtout pas mal d’histoires de SF (comme par exemple D.R. and Quinch avec Alan Davis aux dessins ou encore The Ballad of Halo Jones avec Ian Gibson) mais également dans le Doctor Who Weekly, où il rencontrera d’ailleurs David Lloyd. Il enchaînera ensuite avec une série Captain Britain pour Marvel UK toujours avec Alan Davis aux dessins avant de se fritter au bout de 21 épisodes avec l’éditeur pour des questions de droits d’auteur et de retard de paiement.
En 1982, pour la naissance de son 2e enfant, Alan Moore lance sa propre anthologie de bande dessinée nommée Warrior où il fera paraître Marvelman (ou Miracleman), The Bojeffries Saga et enfin V For Vendetta…
Le “Rêve” Américain
Parallèlement au lancement de sa revue, Alan Moore est remarqué outre-Atlantique par Len Wein, le co-créateur de Wolverine alors éditeur chez DC Comics, qui lui confie comme ballon d’essai la série Swamp Thing en 1983, qu’il transformera en un magnifique titre horrifique et fantastique qui sera le 1e à s’affranchir du fameux cachet de la Comics Code Authority. Il enchaînera ensuite avec quelques histoires complètes comme Batman The Killing Joke par exemple et surtout le comic-book Watchmen qui connaîtra un gros succès en 1986 à la fois dans les ventes qu’auprès des critiques qui lui attribueront de nombreux prix. Ce qui amènera donc à la reprise aux USA de V For Vendetta.
Il se fritte ensuite à nouveau avec son éditeur, DC Comics, pour des questions financières de droits d’auteur : étant donné que les personnages n’appartiennent pas aux auteurs mais à l’éditeur, Alan Moore ne touche aucune royalties sur les produits dérivés que DC commence à sortir sur le titre à succès. Et du coup il claque la porte ! Et de manière assez définitive étant donné qu’il refusera à priori les droits liés aux films qui sortiront par la suite pour les laisser à ses dessinateurs…
Il enchaînera sa carrière en bande dessinée avec des titres indépendants comme From Hell (consacré à Jack L’Eventreur), Big Numbers (sur la Théorie du Chaos), Lost Girls (oeuvre pornographique avec les héroïnes de Peter Pan, Alice au Pays des Merveilles et du Magicien D’Oz) avant de monter un label nommé ABC (America’s Best Comics) chez Wildstorm, maison d’édition de Jim Lee à l’époque au sein d’Image Comics. Il y publiera Tom Strong, Top 10, La Ligue des Gentlemen Extraordinaires et Promethea… jusqu’au moment où Wildstorm passera sous le giron de DC Comics et entraînera la décision pour le scénariste de se retirer du monde de la BD qui se serait embourgeoisé préférant se consacrer à d’autres centres d’intêrets : roman, musique, peinture, magie/occultisme…
Revenons à V For Vendetta
Cette petite biographie d’Alan Moore fait ressortir 3 axes de la personnalité et des lieux communs du scénariste : l’occultisme, la rebellion (voire l’anarchie) et enfin la réécriture ou la référence aux oeuvres populaires et à l’Histoire. V For Vendetta s’inscrit dans ce tableau.
L’histoire se passe dans un futur proche pour l’époque assez dystopique : après une guerre atomique dans les années 80, l’Europe, les USA et l’Afrique sont détruits et seul subsiste le Royaume-Uni, malgré tout touché par l’impact des dérèglements climatiques liés à ces évènements mondiaux. Dans cette pagaille générale, un parti fasciste y a pris le pouvoir, le Norsefire, et s’emploie à un travail d’épuration et de dictature sans pitié.
L’action démarre en 1997 le jour où un anarchiste nommé V et portant un masque de Guy Fawkes (vous savez, celui des Anonymous) fait exploser le Palais de Westminster et sauve de l’exécution (et du viol probable) le jeune Evey accusée de prostitution. On notera pour ceux qui n’ont vu que le film sorti en 2006, adapté par les soeurs Wachowski et réalisé par James McTeigue (les séries Breaking In et Messiah en tant que réalisateur mais qui a bossé avant sur tous les Matrix) que si le concept de gouvernement britannique fasciste est conservé, tout comme l’explosion point de départ des actions de V, l’histoire se déroule désormais vers 2040, l’explosion concerne le Old Bailey (une des cours criminelles centrales d’Angleterre) et enfin Evey ne se prostitue plus mais viole simplement… Un couvre-feu ! Toute ressemblance avec une actualité récente est bien entendu tout à fait fortuite !
On assiste à une critique acerbe de l’autoritarisme sous toutes ses formes, mais également de la manipulation des médias, de l’obéissance citoyenne et de tout type de xénophobie et homophobie. Le personnage de V n’est pas non plus (en tout cas dans la BD) à 100% décrit comme un véritable héros : certaines de ses motivations tiennent plus de la vengeance que d’une quelconque grandeur d’âme et ce que subit Evey avant de se joindre à son combat est moralement très discutable. Il a néanmoins (et plus encore dans le film) une image de héros romantique défenseur d’une grande cause libertaire.
C’est la symbolique qui anime la BD et j’aime beaucoup le résumé que fait le dessinateur de celle du fameux masque réemployé de nos jours pour de nouvelles causes via les outils numériques et surtout son fameux sourire : « D’un côté, il n’y a rien de plus effrayant que de voir quelqu’un vous tuer tout en souriant. De l’autre, un sourire est par définition une marque d’optimisme. » En ce qui concerne le récit en lui-même, c’est l’usage du chiffre 5, le fameux V romain, que l’on peut s’amuser à retrouver à plusieurs reprises : le nom du héros, le nombre de factions composant l’organisation totalitaire, et je vous laisse en trouver d’autres en le lisant.
Je ne peux pas m’empêcher de souligner l’évident message politique que souhaite faire passer dans les années 80 Alan Moore sur le fait qu’une démocratie peut très facilement basculer dans le totalitarisme. En pleines années Thatcher, le message avait déjà un évident parti-pris très 1984 de George Orwell. Mais attention à ne pas se méprendre, à l’inverse du film faisant de V une sorte de « héros », le comic-book et par là même Alan Moore ne cautionne en rien les actes terroristes de V et s’appuie plutôt sur l’ambiguïté d’un projet révolutionnaire ayant recours à la violence, et surtout sans réelle distinction sur la cible par moment.
D’ailleurs, le scénariste a publiquement regretté l’usage du fameux masque de Guy Fawkes par tout type de groupuscules, de l’anarchiste de gauche comme du complotiste de droite. Et à l’heure où l’on enregistre ce podcast et où de nombreuses questions se posent sur manipulation, privation de liberté, etc, j’invite chacun à lire le bouquin pour réfléchir sur la question, à s’écarter du complotisme systématique et de l’obéissance tout aussi aveugle. Et en n’oubliant jamais que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres… (paraphrase de l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26/08/1789)
Pour aller plus loin